Le triste destin d'un perroquet
Je ne suis pas une
scientifique. Je suis une autodidacte qui s’est laissé guider par sa
passion pour les perroquets.
Pascale est un gris
d’Afrique Congo qui a été abandonnée icien l'an 2000. Je ne
sais pas quel âge elle avait exactement mais d’après la couleur de ses
yeux, elle n’avait pas un an.
Pascale ayant peur
d’à peu près tout, surtout des autres oiseaux, il lui arrivait de se
lancer dans le vide à l’approche d’un congénère et de se blesser. Elle a
donc dû avoir des sutures à quelques reprises. Pascale a mis six ans avant d’arriver
à juste garder ses plumes et elle est encore loin d’être ce que
j’appelle un oiseau équilibré. Je crois qu’en grande partie, les progrès de Pascale
ont été motivés par Albertine, qui est aussi un gris d’Afrique d’une
trentaine d’années. Elle a réussi à gagner la confiance de Pascale et
elle l’a beaucoup materné
et protégée comme si c’était son bébé. Je rêvais de la voir
voler un jour mais les plumes de vol de son aile gauche ne poussaient
pas. Horrible constatation quand je décidai d’examiner cette aile de
plus près…cette aile a été éjointée. Quelle tristesse de constater que
ces pratiques barbares se pratiquent encore de nos jours. Pour ceux qui ne
connaissent pas ce qu’est éjointer une aile, c’est qu’on coupe la
dernière section de l’aile. Si vous comparez avec votre bras, c’est
comme si on vous coupait la main. Et ceci est fait à froid, sans
anesthésie et c’est juste dans le but d’empêcher l’oiseau de voler. En
fait, j’ai deux oiseaux ici dans cette condition. Et j’en connais
d’autres. Il faut vraiment ne
pas être pressé, avoir un amour inconditionnel et une patience à toutes
épreuves pour travailler avec ces oiseaux et aller jusqu’au bout.
L’imprégnation Il y a très longtemps, on se rendit compte qu’un
poussin naissant s’identifiait au premier être qu’il voyait
en ouvrant les yeux. Ce qu’on
appelle l’imprégnation. Au début, on croyait
que l’imprégnation humaine sur les oiseaux ne pouvait avoir que de bons
cotés en ce qui concerne l’oiseau de compagnie plus spécifiquement, les
perroquets. Il fallait donc
humaniser les perroquets pour pouvoir vivre avec eux sans avoir à faire
d’efforts pour les apprivoiser. Ne serait-il pas merveilleux de pouvoir
partager notre vie avec un animal qui peut apprendre notre langage, être
drôle, affectueux, intelligent et avoir en plus une apparence exotique? Alors, il y a environ un quart de siècle une nouvelle
mode a pris son envol dans le monde aviaire. Une
pratique qui consiste à enlever
les oisillons de leurs parents vers l’âge de vingt et un jours pour les
nourrir à la main. Les nourrir soi-même avec une pâtée commerciale
chaude que l’on administre au bébé à l’aide d’une seringue à toutes les
deux heures au début, puis aux quatre heures et ainsi de suite. De plus, on a vite
remarqué qu’en retirant les bébés du nid, on provoquait une autre ponte
chez les parents. Alors plus d’oiseaux à vendre, donc plus de profits en
bout de ligne. J’ai moi-même pratiqué cette technique du temps ou
j’ai fait de la reproduction. Car quand j’ai commencé, j’écoutais et
croyais ce qui se disait dans le milieu. Par contre, il y a une
vingtaine d’années, on ne sortait pas les bébés avant
vingt et un jours de vie,
toutes espèces confondues. De nos jours, les oisillons sont retirés de
leurs parents de plus en plus jeunes et les séquelles n’en sont que plus
profondes.
Étant donné que ma
curiosité et mon amour pour les oiseaux étaient plus forts que tout, je
me devais de faire mes propres expériences et observations. Je ne crois pas
qu’un humain, même avec la meilleure volonté du monde puisse faire le
travail de papa et maman perroquet aussi bien qu’eux.
Ils passent leur temps à les dorloter, les réchauffer, leur donner la
becquée, les caresser à tour de rôle et ce jour et nuit. Il faut
plusieurs semaines avant que les deux parents sortent du nid en même
temps et ce pour une très courte période. Les bébés ne sont jamais seuls
et sont nourris beaucoup plus fréquemment que la croyance populaire nous
enseigne. Tantôt c’est maman, tantôt c’est papa. Le travail est
partagé entre eux de façon équitable. En général, maman est au nid plus
que papa mais il n’a pas moins d’ouvrage pour autant. Il doit venir la
nourrir régulièrement pour qu’elle et ses
petits ne manquent de rien, Il doit aussi venir
la relayer afin qu’elle puisse aller se dégourdir les pattes,
prendre un bon bain et manger un peu de nourriture fraîche.
De la soupe c’est bon mais…Il doit
aussi monter la garde et empêcher les intrus de s’approcher de sa
fragile et précieuse famille. Protection est le mot d’ordre ! Il fallait que des
années se passent pour commencer à réaliser les effets dévastateurs qu’a
cette pratique. Rares sont ceux qui vont se lever à intervalle
régulier la nuit pour
nourrir les oisillons et surtout prendre le temps de leur donner de
l’affection et les rendormir en les caressant. On lui remplit le jabot
d’un trait, le replace dans son aquarium et on ne le revoit que pour le
prochain gavage. Les bébés ont besoin d’une présence constante et
constante veut dire ici 24/24. Avez-vous pensé aux pauvres bébés de trois ou quatre
semaines qui sont laissés seuls entre dix huit heures le soir et
neuf ou dix heures le matin qui sont les heures de fermeture des
animaleries? Ces pauvres petits ont faim et vivent une insécurité et un
stress épouvantable. Selon les observations de Mark Bittner, auteur du
livre “ The wild parrots of
telegraph hill” duquel a été tourné le documentaire du même titre. Les
jeunes conures à tête rouge étaient sous la tutelle de leurs parents
pour près d’un an dans la nature (le temps varie selon les espèces) Depuis 1995 j'accueille des perroquets abandonnés et ce que j’ai vu à
ce jour, m’en dit long sur nos erreurs. Non! Nous ne pouvons
pas faire un aussi bon travail que celui qui est depuis toujours dicté
par la nature. Pour la simple et bonne raison que nous ne sommes pas des
oiseaux. Je vois et entend
des gens s’exclamer et crier au crime à la vue d’un documentaire ou l’on
voit des braconniers piller les nids de perroquets pour y voler les
bébés. Vous avez raison et je condamne aussi très sévèrement ces
pratiques, c’est criminel ! Il est faux de
croire qu’un oiseau nourri à la main sera plus gentil et apprivoisé
qu’un autre qui a été élevé par ses parents. Vous aurez cette illusion
au début mais les années vous feront vite réaliser que ces oiseaux sont
pour la plupart déséquilibrés. Pas surprenant que nous soyons confrontés à autant de
troubles du comportement à plus ou moins longue échéance. Le picage
chronique*, l’automutilation, une insécurité maladive que l’on appelle
aussi anxiété, qui est une plaie
dans notre société et que nous leur transmettons par notre
ignorance et notre manie de vouloir tout s’approprier et tout contrôler. Il y a aussi ceux
qui crient sans arrêt et qui vous rendent la vie impossible, ceux qui
mordent sans raison et qui développent une agressivité maladive envers
les humains sans que ceux-ci comprennent ce qui s’est passé ‘’il était
pourtant si gentil’’. L’imprégnation de
l’humain sur tout animal a des effets très dévastateurs. Nous aurions intérêt
à laisser la nature faire ce qu’elle a à faire et que chacun y joue son
rôle respectif. Comme pour tout commerce, c’est la demande qui prime
et l’offre suit. Pour l’instant vu que la croyance est qu’un oiseau
nourrit à la main est préférable, ces oiseaux sont vendus plus cher à
cause de la demande et du travail que cela implique pour l’éleveur.
Mais si par contre, à la lumière de tout ceci, vous
êtes certain que le perroquet est l’animal pour vous et que vous êtes
prêt à vous investir dans une telle relation, alors, VOUS seuls avez le
pouvoir de changer les choses. En commençant par demander des oiseaux
élevés par leurs parents. * manie de s’arracher les plumes. Tous droits réservés.
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